ur ces entrefaites, Philip rejoint la Laguna et il fait la manœuvre pour s’engager sur la route qui mène à Martillac. En fait, le village est tout proche. Pas plus de deux kilomètres en ligne droite. Il trouve à se garer sur la petite place de l’église justement en train de sonner l’appel des fidèles à la messe du dimanche. Quelques femmes se pressent pour se rendre à l’office.
Le policier pousse la porte de l’unique café et il salue la compagnie.
— Messieurs bonjour ! … Commissaire Bordiga de la police de Bordeaux. J’enquête à propos de l’accident qui a eu lieu ce matin non loin d’ici. Quelqu’un a-t-il vu quelque chose ?
Les clients accoudés au comptoir se jettent des coups d’œil. Dans la salle, un type sans âge assis devant un ballon de rouge marmonne entre ses dents.
— Ça a pété, ça a cramé puis les pompiers sont arrivés. J’ai tout vu depuis chez moi.
Philip s’approche de la table où se tient l’homme qui vient de s’exprimer. Il a tout l’air d’un vigneron, son visage est couperosé et son front dégarni tanné de soleil.
— C’était vers quelle heure ?
— Sept heures.
— Vous dites que ça a pété. Ça a fait du bruit ?
— Dame ! un gros bang, comme leurs avions…
Derrière le comptoir le patron confirme.
— C’est-y vrai. Y-a eu un sacré boucan ce matin. Même que j’ai dit à ma femme qu’ils faisaient des essais le dimanche maintenant !
— Des essais ? Demande Bordiga. Quels essais ?
— Bé ! à Saucat. A l’aérodrome militaire.
Le commissaire reformule sa question mais cette fois en s’adressant au mastroquet.
— Vous-vous souvenez de l’heure ?
— Un peu avant sept heures. J’étais encore en haut et j’ouvre le rideau à sept heures. C’était pas un jet alors ?
Tentant de satisfaire la curiosité de son auditoire Bordiga s’emmêle en ne voulant pas trop en dire :
— Non, ça vient d’une bagnole… à la sortie du village. Euh… Elle a brûlé. L’incendie a fait exploser le réservoir d’essence.
Le vieux qui a été témoin de la scène proteste.
— Sûrement pas ! Ça a pété d’abord. Y-a eu de longues flammes claires comme aspirées vers le haut. Et seulement après une fumée noire et épaisse. J’ai tout vu… Ça cramait fort quand les pompiers sont arrivés.
— C’est vous qui les avez prévenus ?
— Sûrement pas… Faut voir si ça serait pas le Cassini qui les aurait téléphoné. Il ricane et ajoute : la vigne c’est une pièce à lui.
— Où on peut le trouver ?
— Ah ! ça ! ...
Le type a un sourire sardonique comme s’il était bien content d’avoir balancé le nom de Cassini dans une affaire de police. Soudain, pour signaler que l’entretien a assez duré, il détourne le regard, porte son verre à ses lèvres et boit une courte gorgée.
Le commissaire insiste :
— Il habite où ce Cassini ?
Mais rien à faire, il n’obtient qu’une réponse sibylline, à peine marmonnée :
— Bon Dieu ! … Qui le sait ? …
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