’ Ysembert est écarlate. Il ne supporte pas l’idée de l’échec. Un fou ne met pas un roi en échec ! En outre voilà que ce dingo a l’outrecuidance de s’attaquer à la profession. D’Ysembert imagine déjà ce qu'il va entendre : comment ils vont hurler les bavards, quand seront rendues publiques les informations. Avocat vinaigrette ! Qu’est ce que ça peut bien vouloir dire bon sang !
— Bordiga, je vous donne jusqu’à ce soir pour obtenir des résultats. Je veux que le responsable de cette hécatombe me soit amené menotté et garrotté avant minuit, vous m’avez compris ?
— Oui Chef. Bien reçu Chef. Cinq sur cinq. Maintenant, si vous voulez bien nous laisser travailler ?
Le gros homme respire bruyamment, lançant de ses yeux jais des éclairs menaçants puis la porte claque sèchement derrière lui. Romuald, qui n’a pas cessé d’étudier le prospectus dit calmement :
— Tu nous l'as vexé maintenant… Tu sais, c’est peut être déjà trop tard pour l’avocat.
— Pourquoi dis-tu ça ?
— La date : sur le papier c’est marqué service à compter du 6 juillet. On est le 6 juillet, il est seize heures trente. Déjà les deux tiers de la journée sont passés, c’est mal barré.
— Qui te dit qu’il va procéder aujourd’hui et commencer par l'avocat ?
— A cause du menu précédent. Les coiffeurs ont été découverts après les gendarmes mais ils ont été assassinés les premiers. Le samedi soir… ou plutôt le dimanche matin très tôt lorsqu’ils rentraient de boîte, donc le 27 juin comme l’indiquait la date du premier service. L’explosion de Martillac s’est produite plus tard dans la matinée. La fillette a été tuée le samedi 3 juillet dans l’après-midi et le pêcheur le lendemain, très tôt le matin. Le déroulement du premier menu a été parfaitement respecté. Je ne vois pas pourquoi ça changerait avec le second.
— Bon. J’appelle l’ordre des avocats tout de suite. Au moins les prévenir de ce qui se trame et puis qu’ils se comptent aussi, voir s’il en manque un.
— Ça va pas être évident, on est en pleine période de vacances. Pour les poulettes on fait quoi ?
— Les poulettes… les petites poules, c’est les putes ?
— Ouais… P'têt bien.
— O.K., on appelle les collègues des mœurs, il faut prévenir les prostituées de se tenir sur leurs gardes. Ils ont des réseaux pour faire circuler l'info rapidement.
Romuald prend un air désabusé en disant :
— Le reste je ne vois vraiment pas ce que ça veut dire. Petits soufflés ? Omelette norvégienne ? Bombe glacée ?
— Commençons par contacter le consulat de Norvège. Un déséquilibré pourrait s’attaquer à une personne de nationalité norvégienne, il serait judicieux de connaître et de placer sous protection policière les ressortissants en vacances dans la région. Ils ne doivent pas être très nombreux.
— D'accord Patron, je vais faire ça.
— Et dis à Jeannot de se mettre au boulot rapidos pour décrypter ce menu. Il est dans le coin ?
— Oui oui. Il bosse sur le dossier de Martillac.
— Alors allons-y ! Il faut avancer bordel !
— Ça vient ! Je termine la mise en forme de la liste que la fédération de golf m’a envoyée pour comparer les noms avec ceux de Cassini. Je monte ça dans le même tableur... j’en ai pour trois minutes.
